Mairies vendéennes crucifiées
Lhistoire dune enquête
La loi du 5 juillet 1905 sur la séparation des Eglises et de lEtat précise dans son article 27 : « A lavenir, il est interdit délever ou dapposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit » .Sont donc concernés les écoles publiques, les MAIRIES, les entrées des cimetières, les monuments aux morts
le CVLM et « Une Vendée pour tous les Vendéens » ont mis en forme, en juillet 1998, un questionnaire afin de recenser, dans chaque commune vendéenne, les symboles, notamment les symboles religieux.
En août 1998, les 2 associations ont quadrillé la Vendée grâce au militantisme de leurs adhérents. Comme il fallait « couvrir » 31 cantons regroupant 283 communes, les réponses ont tardé à venir.
Début février 1999, les Maires des communes de JOUE SUR ERDRE et de VALLET en Loire-Atlantique sont sommés, par la Cour administrative dAppel de Nantes , de décrocher sous 3 mois, les crucifix apposés dans leurs mairies. La Commissaire de la République avait conclu son réquisitoire en disant : « la religion étant une affaire privée, les insignes religieux ne peuvent figurer dans les lieux publics ».
Dans ce contexte, la fin de lenquête vendéenne a été pour le moins difficile.
Des élus vendéens, interrogés alors par Hebdo-Vendée ont déclaré :
Jacques Fraysse, maire PS de St Hilaire de Riez :« Ca ne pouvait arriver quen Loire-Atlantique ou en Vendée. Du bocage vendéen au Pays de Retz, le crucifix saffiche dans bien des mairies. Une place qui na pas lieu dêtre dans un esprit laïque de tolérance ».
J-Claude Remaud, maire PS de Fontenay le Comte : « Décrocher les crucifix, cest normal. La mairie est au service de tous. Si on met une croix, il faut aussi ajouter le drapeau vert pour les musulmans, le drapeau avec létoile de David »
Marcel Albert, maire RPR des Herbiers : « A ma prise de fonction en 1995, le crucifix a été retiré de la mairie selon le principe de la laïcité et dans le respect de toutes les opinions et les religions. On na pas à imposer à des tiers, ses opinions religieuses. »
Yves Auvinet, divers droite, maire de la Ferrière a déplacé le crucifix de la salle du Conseil à son bureau : « Cest mon bureau. Il faut respecter les sensibilités de tout le monde et être très conciliant si lon veut rassembler. »
Dominique Caillaud, Président de lAssociations des Maires de Vendée et député-maire UDF de St Florent des Bois : « Sil y a une loi un jour, nous enlèverons les crucifix des mairies, mais je trouve que ce serait dommage. Et si on me demande de lenlever, je le mettrai dans mon bureau de maire. Le crucifix dans une mairie participe de lidentité du pays la mairie est le lieu de protection des symboles qui font partie de la tradition. »
Néanmoins, fin avril 1999, nous disposions des résultats concernant 70% des communes vendéennes.Parmi ces communes, 27 étaient en situation illégale avec crucifix ou signes religieux ostentatoires.
Le 12 Mai 1999, le CVLM et « Une Vendée pour tous les Vendéens » écrivaient à Monsieur CHEVENEMENT, ministre de lIntérieur pour lui demander de faire appliquer la loi républicaine en Vendée où la laïcité est bien bafouée.
Et depuis ?
La réponse de CHEVENEMENT tardant à venir, nous ne pouvions pas ne pas intervenir. Sachant quil y a AU MOINS 27 mairies en Vendée où le crucifix ( parfois une Vierge ) figure en bonne place dans la Salle du Conseil municipal, nous sommes passés à loffensive.
23 juin 1999 Audience dune heure avec le Secrétaire général de la Préfecture. Il a reconnu que notre revendication était dans le droit fil de la laïcité républicaine. Mais que dans le contexte vendéen très particulier, le Préfet ninterviendrait pas, dautant plus que notre lettre au ministre CHEVENEMENT lui coupait les ailes et quil ne pouvait quattendre les directives ministérielles.
Par contre, à lavenir, le Préfet sopposerait à toute délibération dun Conseil municipal visant à apposer un crucifix dans une mairie. Autrement dit, à partir du 23 juin 1999, le Préfet fera respecter la loi du 5 juillet 1905. Pour ce qui sest passé avant, il veut lignorer ( traditions vendéennes obligent ), sauf si la Justice lui donne lordre dintervenir.
2 juillet 1999 Lettre au Député-Maire de St Florent des Bois ( commune dans lillégalité ), Président de lAssociation des Maires de Vendée, lui demandant de rappeler à ses collègues maires de Vendée, le respect de larticle 28 de la loi de 1905.
9 juillet 1999 Conférence de Presse à la Bourse du Travail à la Roche sur Yon avec Ouest-France et Vendée-Matin . Les autres médias sollicités nont pas répondu.
Ouest-France du 10/07/99, sous le titre : « Mairies : crucifix sous la menace », annonce que : « deux associations vendéennes repartent en guerre ( de religion ) pour la défense du principe de laïcité dans les lieux publics. » avant dajouter « leur croisade porte sur les signes religieux et que crucifix, vierges, croix sont dans lil du cyclone ».
Vendée-Matin du 10/07/99, sous le titre : « Deux associations vendéennes veulent supprimer les crucifix dans les mairies » relève quen Vendée où « les traditions sont plus fortes que les lois », les associations vendéennes seront sans doute, pour se faire entendre, « contraintes davoir recours au Tribunal. »
novembre 1999 La Libre Pensée sassocie au CVLM et à « Une Vendée pour tous les Vendéens » pour la suite des actions.
1er décembre 1999 Lettre aux Maires des 27 communes concernées pour leur demander de retirer les crucifix des mairies.
Lettre au Président de LAssociation des Maires de Vendée, député de la Vendée et Maire de St Florent des Bois, pour linformer de notre démarche auprès des communes et pour solliciter un entretien.
Lettre au Préfet de la Vendée, pour quil soit, au titre de représentant de lEtat chargé de faire respecter la loi dans le département, au courant de notre action.
1er décembre Conférence de Presse, , lors de lenvoi des courriers. ( Ouest-France et Vendée-Matin du 2/12/99)
6 décembre 1999 France 3 Nantes consacre un reportage à laction menée à léchelle du département de la Vendée.
Le porte-parole des associations CVLM, Libre Pensée, Une Vendée pour tous les Vendéens déclare notamment : « Les mairies, dans la République, sont la maison de tous, le crucifix qui nest que le symbole des seuls croyants chrétiens, ny a pas sa place. »
Le Président de lAssociation des Maires de Vendée, député Maire de St Florent des Bois, prend position : « Je crois quil faut trouver une solution qui allie à la fois respect du patrimoine et dune tradition locale qui faisait que le crucifix pouvait faire partie du patrimoine communal. Je crois quil ne faut pas faire de provocations inutiles. Le texte dit, pas de signes dans les locaux municipaux. Je crois quil faut lenlever des salles du Conseil et des salles de mariage. »
itélévision, chaîne nationale, mène lenquête en Loire-Atlantique et en Vendée.10 décembre 1999
Le Maire de Vallet déplore la décision de la Cour administrative dAppel de Nantes qui la contraint à retirer le crucifix du mur de la salle de son conseil. ( crucifix placé désormais dans une vitrine avec dautres objets du « patrimoine communal » )
Le Maire de St Vincent sur Graon, commune du bocage vendéen, ayant une seule école sur son territoire, une école catholique, déclare refuser dappliquer la loi républicaine.
Lévêque de Luçon avoue pouvoir comprendre que certains refusent dans un édifice public la présence de la croix « que lui est si fier de porter autour du cou. »
Le porte- parole du Cvlm, au nom des trois associations laïques, réaffirme que: « la présence de signes religieux dans les mairies traduit la confiscation dun lieu public par les tenants dune croyance, elle bafoue la loi républicaine de séparation des Eglises et de lEtat et constitue une atteinte grave à la liberté de conscience des citoyens. Ceux qui prétendent imposer, au nom de leur foi, un symbole à lensemble des citoyens font oeuvre dintolérance. »
Janvier 2000 Dans le journal du Mouvement Europe et Laïcité, le journaliste sinterroge : « Marianne sera-t-elle un jour astreinte à faire le signe de croix dans les mairies vendéennes ? »
Le journal de la Libre Pensée, La Raison, rend compte fidèlement de laction menée par les associations laïques avant de conclure : « Notre objectif reste donc de faire respecter la loi, toute la loi, rien que la loi, dabord par la persuasion : intervention près des maires concernés, intervention près des pouvoirs publics ; si cette démarche naboutit pas, un recours auprès des tribunaux compétents sera envisagé. »février 2000
Le 13 février, sur France Culture, le vice-président de la Fédération nationale de la Libre Pensée, ancien parlementaire de la Vendée rapporte linitiative des laïques vendéens en la replaçant dans le contexte légal de larticle 28 de la Loi de Séparation qui précise : « il est interdit, à lavenir, délever ou dapposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit » et de larticle 2 de la constitution de 1958 qui réaffirme le principe de la Laïcité : « La République assure légalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction de race ou de religion et respecte toutes les croyances. »
22 mars 2000 Xavier Pasquini, le regretté journaliste de Charlie-Hebdo, écrit dans Charlie sous le titre : « Bénitier. Le crucifix ou la liberté ! Dans les terres vendéennes fleurissent les crucifix.» pose la « question de savoir, si cette région qui a pour emblème le Sacré-Cur de Jésus surmonté de la couronne et de la croix, se trouve toujours dans le cadre de la République laïque. »
16 mars 2000 Le Président de la Fédération de Vendée de la Ligue des Droits de lHomme « très amicalement rappelle que les trois associations vendéennes ne sont pas seules à se battre pour imposer le respect de la loi du 05 juillet 1905 ». « Déjà, en octobre 1995, la Ligue nationale avait interpelé le ministre de lEducation nationale lorsque le Conseil général de la Vendée avait fait apposer son emblème la couronne et la croix sur des collèges publics ». « Le 11 décembre 1999, en réunion départementale, nous avons dénoncé la présence de signes religieux dans les lieux publics ».
Au nom des trois associations, le Président du Cvlm se « félicitait de cette prise de position » et affirmait « la volonté de poursuivre, sans exclusive, les initiatives ; libres à ceux qui veulent sy associer de nous le faire savoir ».
Et maintenant ?
Un certain nombre de communes ont retiré les emblèmes religieux des mairies.
Un nouveau recensement simpose, mais limpact de la première enquête a rendu méfiant quelques élus en délicatesse avec la loi de Séparation des Eglises et de lEtat. Dès que possible, nous organiserons une réunion publique dans une des communes encore concernées.
Un premier contact avec les associations de Joué sur Erdre et de Vallet a permis de faire le point de leur action et notamment den étudier les bases juridiques à travers larrêt rendu par la Cour dAppel du Tribunal administratif de Nantes.
Si nécessaire, sur initiative locale, nous envisageons le dépôt dun ou plusieurs recours devant le Tribunal administratif de Nantes.
A suivre mise à jour le 20/12/2000